Quand la gouvernance bicéphale menace nos collectivités

« Une gouvernance locale réussie repose sur la confiance réciproque entre les élus locaux, les citoyens et l’Administration. » – Alain Rousset.

Dans l’ombre feutrée de nos mairies et conseils municipaux se joue une bataille silencieuse. Une lutte d’influence, d’expertise, de légitimité. Deux têtes pensent, décident, agissent. Deux cœurs battent pour faire vivre la chose publique. Mais parfois, ces deux cœurs ne battent plus à l’unisson. Et c’est tout le corps de la collectivité qui vacille. Bienvenue dans l’ère de la gouvernance bicéphale : un monstre à deux têtes, fascinant et inquiétant.

La gouvernance locale, une exception française ?

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Contrairement aux entreprises privées où le pouvoir est souvent centralisé, les collectivités locales fonctionnent sur un schéma démocratique où l’élu – représentant du peuple – détient le pouvoir de décision, épaulé par une Administration technique composée d’agents publics. Sur le papier, un équilibre vertueux entre légitimité politique et expertise technique.

Mais dans les faits, ce tandem est tout sauf évident. L’élu ne peut tout savoir, tout maîtriser. Le technicien, lui, ne peut tout décider. Quand l’un empiète sur le rôle de l’autre, la mécanique se grippe. Quand le respect mutuel cède la place à la méfiance ou à la condescendance, c’est l’action publique qui s’enlise.

Le mythe de l’immobilisme administratif

Combien de fois a-t-on entendu : « C’est la faute de l’Administration, ça bloque ! » ? Derrière cette idée reçue se cache une réalité plus complexe. L’Administration, forte de ses compétences, peut parfois freiner l’élan politique, jugeant certaines décisions irréalistes, mal informées ou précipitées. À l’inverse, certains élus s’imaginent ingénieurs, juristes ou urbanistes le temps d’un mandat, oubliant les années d’expertise nécessaires pour dominer les arcanes techniques de la gestion publique.

Cette confusion des rôles, trop fréquente, crée un climat de tension permanent, propice aux incompréhensions, aux malentendus… et à l’inaction.

Technocratie rampante ou dépolitisation assumée ?

Lorsque les élus désertent, les techniciens prennent la main. Et quand les décisions deviennent exclusivement techniques, elles perdent leur ancrage démocratique. Moins de vision politique, moins d’audace, moins de remise en question. Un glissement insidieux vers un modèle technocratique où le citoyen n’est plus qu’un paramètre dans une équation administrative.

Pire encore, les mécanismes de démocratie participative, bien qu’indispensables à la vitalité citoyenne, sont parfois instrumentalisés pour contourner les élus ou diluer leur pouvoir, affaiblissant un peu plus leur légitimité.

Réhabiliter la fonction d’élu : un impératif démocratique

Et si, au fond, le problème venait du cadre ? Du fait qu’en France, élu n’est pas un métier. Une idée largement partagée, mais terriblement hypocrite. Car être élu, aujourd’hui, c’est un engagement total, un rôle à temps plein, un véritable métier… sans en avoir le nom, ni les moyens, ni la reconnaissance.

Résultat : la classe politique locale se compose majoritairement de retraités, souvent déconnectés des réalités professionnelles et sociales du plus grand nombre. Comment espérer une démocratie représentative si ceux qui la font ne représentent plus personne ?

Une gouvernance en équilibre ou un déséquilibre programmé ?

Face à la complexité croissante des enjeux (environnement, urbanisme, sécurité, numérique…), face à un monde VUCA (Volatile, Incertain, Complexe, Ambigu), la gouvernance bicéphale devient plus que jamais fragile.

Elle vacille pour plusieurs raisons :

  • Le désengagement ou l’impréparation des élus ;
  • La montée en puissance d’une technocratie sûre de sa légitimité ;
  • La confusion des rôles alimentée par une société civile sollicitée mais peu structurée ;
  • Un cadre institutionnel rigide, peu adapté aux défis contemporains.

Conclusion : Repenser l’équilibre, redonner du sens

Il ne s’agit pas de choisir entre le pouvoir politique et l’expertise administrative. Il s’agit de rétablir un équilibre. D’affirmer le rôle des élus tout en respectant celui des techniciens. De professionnaliser la fonction politique sans tomber dans la caricature. D’exiger plus, sans donner aveuglément plus de pouvoir.

Le monstre bicéphale n’est pas une fatalité. Il peut devenir une richesse, une force d’intelligence collective, si et seulement si chacun connaît, assume et respecte son rôle. Le chaos n’est pas dans la dualité, il est dans le déséquilibre.

POUR ALLER PLUS LOIN 

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