Et si la multitude d’acteurs tuait l’intérêt général ?
Nous avons créé des monstres : quand l’action publique se perd dans sa propre générosité
« Déléguer efficacement nécessite un équilibre entre responsabilité et autonomie. Le risque est de ne pas trouver cette juste mesure. »
Cette phrase, à l’auteur inconnu mais à la lucidité pénétrante, pourrait être le fil rouge de notre époque. Car c’est bien là, dans cette tension entre l’intention et la réalité, que se joue aujourd’hui une partie essentielle de l’action publique.
Depuis plusieurs années, les territoires français voient s’épanouir un écosystème foisonnant d’acteurs œuvrant pour l’intérêt général, mais aussi pour la fragmentation des services publiques. Associations, sociétés publiques locales, structures parapubliques, fondations, réseaux soutenus par l’État, les régions, l’Europe : tous animés d’une même volonté, celle d’agir là où le besoin se fait sentir. Mais voilà : à force de bonne volonté, on finit par semer la confusion.
Une générosité devenue illisible
Ce mille-feuille administratif si typiquement français, que l’on croyait déjà indigeste, est aujourd’hui rejoint par une multitude d’entités aux missions souvent convergentes, parfois concurrentes. Leur gouvernance, éclatée ; leurs financements, fragmentés ; leur évaluation, quasi inexistante. Et si chacun agit avec sincérité, personne ne sait vraiment qui fait quoi, pour qui, avec quel argent, et dans quel objectif final.
Prenons l’exemple des structures d’insertion : elles pullulent sur les territoires, créées pour aider les publics les plus éloignés de l’emploi. Une mission noble. Mais combien sont-elles ? Qui les coordonne ? Quels résultats produisent-elles réellement ? À ces questions, les élus, les collectivités et même les financeurs peinent à répondre.
L’efficacité sacrifiée sur l’autel de la survie

Car voilà le cœur du problème : dans cet univers où la justification de l’action est vitale pour la survie de chaque structure, l’énergie est souvent mobilisée pour sécuriser des budgets, plutôt que pour maximiser l’impact auprès des bénéficiaires. L’indicateur de réussite n’est plus la réinsertion effective, mais le rapport d’activité, le taux de subvention obtenu, la visibilité institutionnelle.
Cette logique n’est pas le fruit d’un cynisme délibéré. Elle est le résultat d’un système qui, en multipliant les canaux de financement et les entités autonomes, a créé un terrain fertile à la dispersion, à la concurrence déguisée, à l’effritement du sens.
Des moyens, mais pas de pilote
Faut-il rappeler que certaines de ces structures disposent aujourd’hui de ressources supérieures à celles des services publics locaux, avec des conditions de travail plus attractives, une plus grande agilité pour embaucher, et des moyens d’action considérables ? Pendant ce temps, les collectivités, censées être les garantes de la cohérence territoriale, regardent ce paysage éclaté sans pouvoir réellement intervenir.
Qui pilote encore l’action publique sur les territoires ? Certainement pas celui qui en finance la plus grande part.
Une VUCAisation irréversible ?
La logique de VUCA (volatilité, incertitude, complexité, ambiguïté) s’est insidieusement installée dans l’action publique. Elle affaiblit la lisibilité des politiques menées, réduit leur efficacité collective et creuse un fossé grandissant entre moyens engagés et résultats concrets.
Comment, dans ces conditions, espérer revenir à une action publique coordonnée, mesurable et orientée vers l’intérêt réel des citoyens ? Comment remettre du sens, sans heurter la légitimité de ces acteurs autonomes, sans démanteler des structures dont l’utilité individuelle n’est pas à remettre en cause ?
C’est là tout le paradoxe : nous avons voulu trop bien faire, et nous avons perdu le fil. L’intérêt général, ce cap commun, s’est dilué dans une mer d’initiatives isolées.
Conclusion : Reprendre le contrôle, sans détruire
Il ne s’agit pas de dénoncer l’action des associations, ni de diaboliser la complexité territoriale. Il s’agit de poser une question simple mais fondamentale : comment faire mieux avec ce que nous avons déjà ? Et surtout : comment redonner du pouvoir d’agir à ceux qui devraient porter la vision globale de l’action publique sur les territoires ?
À l’heure où chaque euro investi doit être justifié, où chaque bénéficiaire mérite plus qu’une ligne dans un tableau de suivi, il est urgent de réinventer la coordination, de refonder la gouvernance, et de replacer le citoyen au cœur de nos préoccupations, au-delà des structures et des statuts.
POUR ALLER PLUS LOIN
Ouvrage « Nos collectivités touchent le fond »

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