Simplification administrative : une illusion politique ou une révolution nécessaire ?
« Il est plus difficile de faire simple que de faire compliqué. » – Steve Jobs
Dans le vaste théâtre de la fonction publique, où s’entrechoquent réglementations labyrinthiques et injonctions contradictoires, la simplification administrative est souvent brandie comme une promesse salvatrice. Pourtant, ce serpent de mer politique, régulièrement réactivé à l’approche des élections, semble s’empêter dans ses propres contradictions. Pourquoi réformer un système qui s’auto-alimente ? La simplification administrative est-elle une quête du Graal ou une chimère insaisissable ?
Un cercle vicieux alimenté par la peur et la complexité
Face à un monde toujours plus volatile et incertain (VUCA), la société se replie sur des repères rassurants. Mais dans l’Administration, ce repli se traduit par une inflation normative sans fin. Plus une réalité est perçue comme instable, plus la réponse législative tend à empiler les règles, enfermant les usagers et les fonctionnaires dans une spirale de complexification. Le citoyen, désorienté, en vient à percevoir l’Administration comme un monstre froid et tentaculaire, incapable de l’entendre et encore moins de l’accompagner.
Et pourtant, la simplification administrative est un sujet consensuel. Tous la réclament : citoyens, entreprises, élus. Les initiatives se multiplient, avec des résultats contrastés :
- Service-Public.fr (2002) : un portail centralisé pour faciliter l’accès à l’information.
- Loi Warsmann (2012) : réduction de certaines formalités administratives.
- Choc de simplification (2013) : suppression de normes inutiles.
- Plan « Action publique 2022 » (2017) : transformation numérique des services publics.
- Loi ESSOC (2018) : un cadre plus souple pour les entreprises.
- Loi ASAP (2020) : accélération de certaines démarches, notamment en urbanisme.
- France Num (2020) : digitalisation accrue pour les entreprises.
Mais ces mesures, bien que louables, ne suffisent pas à enrayer le sentiment d’opacité et d’inefficacité qui entoure l’Administration.
Simplifier… mais à quel prix ?
La simplification n’est pas exempte de paradoxes. Si la bureaucratie étouffe, la déréglementation excessive inquiète. Faut-il simplifier au risque d’affaiblir les normes environnementales et sanitaires ? La colère des agriculteurs en 2024 a illustré cette contradiction : réduire les normes agricoles semble nécessaire, mais pas au prix d’un recul sur la sécurité alimentaire.
D’autres critiques soulignent que la simplification, mal conçue, peut paradoxalement complexifier encore plus le système. Les lois visant à désengorger un secteur en créent parfois un autre encore plus contraignant. Le remède devient alors pire que le mal.
Et si le vrai défi était ailleurs ?

Finalement, le problème n’est peut-être pas la complexité en soi, mais la manière dont elle est perçue et gérée. A-t-on besoin de comprendre comment fonctionne un smartphone pour l’utiliser ? Non. Ce que le citoyen attend de l’Administration, ce n’est pas tant qu’elle soit simplifiée que de la voir devenir fluide, accessible et centrée sur ses besoins.
C’est tout l’enjeu de la Gestion de la Relation Usagers (GRU), inspirée du privé et des start-ups. Plutôt que de se focaliser sur un hypothétique désenchevêtrement des règles, l’Administration doit repenser son fonctionnement à travers l’expérience usager :
- Un interlocuteur unique pour éviter d’être ballotté d’un service à l’autre.
- Des formulaires intuitifs et épurés.
- Une démarche proactive, anticipant les besoins des citoyens.
- Une transparence accrue pour éviter la suspicion.
Il ne s’agit plus de décortiquer la machine administrative, mais de la rendre indolore et efficace. Car ce qui exaspère l’usager, ce n’est pas tant la complexité cachée, mais bien l’obstacle qu’elle dresse entre lui et son besoin.
Une révolution culturelle à opérer
L’illusion d’une Administration dépoussiérée par la seule simplification est une impasse. Le véritable levier de transformation repose sur un changement de paradigme : passer d’une logique de procédures à une logique d’expérience utilisateur.
Cette mutation est certes plus discrète et moins vendeuse politiquement qu’une grande loi de « simplification » annoncée en fanfare. Mais c’est elle qui, à terme, permettra de réconcilier les citoyens avec leur Administration.
Le chantier est titanesque. Certains plaideraient pour la création d’un ministère de la Simplification administrative, mais la solution n’est pas tant institutionnelle que culturelle. L’accessibilité, l’empathie et la transparence doivent devenir les piliers d’une Administration réinventée.
Car au fond, ce n’est pas la complexité qui est le véritable ennemi, mais bien la souffrance qu’elle génère. Et c’est en la rendant invisible que l’Administration gagnera enfin la bataille de la confiance.
POUR ALLER PLUS LOIN
Ouvrage « Nos collectivités touchent le fond »

PRODUITS OFFERTS
Document Pdf 100 % gratuit « Transformez votre vie professionnelle – Spécial Fonction Publique » 🧑🎓 : https://inleader.podia.com/gestion-temps
FORMATIONS ET COACHING
Notre plateforme Elearning :
https://inleader.podia.com/elearning
✉️ Et pour me contacter directement et échanger : thomas.guilmet@inleader.fr
⛔️ Toute utilisation ou reproduction intégrale ou partielle de ce contenu faite par quelque procédé que ce soit, à des fins commerciales, sans le consentement de l’auteur est passible de poursuites judiciaires
Share this content:
Laisser un commentaire